jeudi 22 août 2013

Littérature : les larmes du cœur de la nuit

« Les couleurs de la nuit », le recueil de poème publié en ligne par Symplice Bouga Mvondo en 2011, est une succession de mots et d’images collectés larme par larme, au cœur de la nuit du désespoir.  

Symplice B. Mvondo
La nuit, de quelque façon qu’on l’envisage, renvoie au noir. De ces ténèbres, Symplice Bouga Mvondo crie la désolation, la tristesse et les pleurs du monde qu’il prend sur lui. 

« Les couleurs de la nuit » est un recueil numérique d’une trentaine de poèmes. en prose C’est le livre noir de la vie. La longue histoire des gens qui tombent et ne se relèvent pas. Les pleurs des rebuts de ce monde qui ne trouvent la paix nulle part. L’inutilité des oubliés du monde dont le combat ne fait que les enfoncer davantage. C’est le poème des faux amis qui donnent d’une main et récupère au centuple d’une autre. Des gens qui, non contents d’être pauvres, se permettent d’être très endettés. Et malgré tout, ils ont le courage de rêver d’un ici meilleur et non d’un ailleurs peut-être mieux, bien qu’enfermés entre les quatre murs affamés de leurs chambres.

Certains poèmes sont plus poignants que d’autres. Ainsi, « La fille des rues sombres » fait penser au film W.A.K.A. de Françoise Ellong. La souffrance de la prostituée de ce poème est palpable et l’appel au secours qu’elle lance, bien malgré elle, sera finalement vain. Dans le poème « Nina », c’est l’histoire d’un amour perdu, un éclopé de la vie qui souhaite renaître dans les bras d’une Nina déjà loin. 

En sourdine, l’auteur parle de la déforestation, de la pollution de l’environnement et son Afrique engluée dans le gâchis. Elle qui barbote sans cesse dans sa misère, son peuple étranglé et ses dirigeants dirigés, avec ses sommets France-Afrique ou Etats-Unis qui ne l’enfoncent que davantage. 

Symplice Bouga Mvondo est sociologue de formation. Il n’écoute pas le souffle de ceux qui sont partis comme Birogo Diop, mais plutôt la voix de l’oiseau qui lui fait oublier sa désolation. Mais cette nuit, qu’il décrit avec tant de rage et d’obstination, c’est à se demander si elle n'est pas plutôt installé dans son cœur, qui déverse son trop-plein d’amertume sur le monde et les choses qui l’entourent. Heureusement, la Sanaga est là pour purifier les cœurs et les esprits. Et quoi de plus normal que de terminer le livre des malheurs par une âme qui quitte la vie ? 

Ce livre ne s’embarrasse pas de règles classiques de la poésie. L’auteur écrit les choses comme il les sent, dans la forme où elles viennent à lui, avec ses mots et parfois sa morgue. « Les couleurs de la nuit » c’est, au final, une succession de mots, d’images, de souvenirs collectés larme par larme, nuit pas nuit, ici et là. Le tout est une plongée au cœur de la nuit noire. 

Kafka avait cette image définitive pour parler de la littérature : « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ». Mais il en faudra plus pour enlever l'amertume du cœur de Symplice B. Mvondo, qui pose un regard plus que sévère sur son environnement. Il vient de publier un nouveau livre intitulé "Dialogue avec le silence", toujours chez Edilivre. Après les larmes, le bruit du silence vient percer la nuit. Vivement le lever du jour. 
Stéphanie Dongmo 

Les couleurs de la nuit
Symplice Bouga Mvondo
Edilivre, France, février 2011 
Poésie