jeudi 30 septembre 2010

Yaoundé : La veuve de Mongo Beti convoqué à la Pj

Le commissaire de police Dieudonné Mbida a porté plainte contre la Librairie des Peuples noirs que dirige Odile Tobner, pour diffamation et injure, 27 ans après la parution d’un article.

Odile Tobner, la promotrice de la Librairie des peuples noirs et surtout la veuve d’Alexandre Biyidi Awala, plus connu sous le nom de Mongo Beti, a été convoqué à se présenter hier matin à la sous-direction des enquêtes criminelles, à la direction de la police judiciaire à Elig-Essono à Yaoundé, pour être entendue. La convocation fait état d’une plainte de M. Mbida Dieudonné contre la librairie « Les peuples noirs » sis à Tsinga, pour diffamation et injure. Ni l’accusée, ni le plaignant n’étaient hier à la Pj. La première y a plutôt délégué une employée de la librairie.

Les faits incriminés par Dieudonné Mbida, à l’époque commissaire divisionnaire de police, remontent à 1983. Cette année-là, dans l’édition 36 de la revue « Peuples noirs/peuples africains » dirigée par Mongo Beti, un article anonyme est publié sous le titre « Lettre du Cameroun ». Dans ce texte, l’auteur dont la signature est « Un patriote africain », dénonce « le terrorisme étatique » et parle, en termes peu élogieux, de la « puissante police politique. Il cite trois commissaires de police qu’il considère comme étant les tortionnaires du pays : Jean Fochivé, Edouard M’boué M’boué et… Dieudonné Mbida. « Plus jeune que les autres, le commissaire Mbida est aussi le plus brutal (…) A qui veut l’entendre, il répète que tant qu’il est vivant, les upécistes peuvent faire le deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun », écrit-il.

Mais pourquoi avoir attendu 27 ans pour porter plainte, peut-on se demander ? Une employée de la Librairie des Peuples noirs soutient que le 5 mars 2009, Dieudonné Mbida s’est rendu dans cette librairie et a acheté précisément le numéro 36 de cette revue. Il y a sept ans, la revue, comme d’autres articles et interviews de Mongo Beti, a été mise en ligne sur le site www.mongobeti.arts.uwa.edu, hébergé par la Faculté des lettres de l’université de Western australia.

Pour Odile Tobner qui dit être tombée des nues en recevant cette convocation, Dieudonné Mbida serait manipulé : « Je ne connais pas ce monsieur, je suis sûre qu’il est manipulé. Il cherche à nous mettre dans des embrouilles judiciaires mais ça tombe à plat, car, la librairie n’a rien à voir avec cette publication. Je ne sais pas qui est l’auteur de cet article, seul Mongo Beti le savait ». La librairie des Peuples noirs a, en effet, ouvert ses portes en 1994. Trois ans après l’arrêt de la publication de « Peuples noirs/peuples africains ». La revue des radicaux noirs de langue française lancée en 1978 par Mongo Beti et Odile Tobner avait pour ambition de combattre le capitalisme en Afrique : « Dix-huit ans après les indépendances, voici enfin une publication noire importante contrôlée financièrement, idéologiquement et techniquement par des Africains francophones noirs, et par eux seuls. [Elle est] décidée à conformer sa pratique à cet axiome : le capitalisme, voilà l’ennemi mortel de l’Afrique », lit-on dans son tout premier numéro, en guise d’éditorial.

Mongo Beti est décédé en octobre 2001 à Yaoundé. Odile Tobner, elle aussi écrivain, continu son œuvre. Elle a d’ailleurs créée l’Association des amis de Mongo Beti (Sambe).
Stéphanie Dongmo


Extrait de l’article incriminé

« De source sûre, on a appris que le chef de l'Etat, qui s'est entouré de deux attachés de presse (son prédécesseur se contentait de sa police politique), souhaite que la censure soit relâchée, qu'un débat intellectuel assez libre s'instaure dans le pays et enfin que les forces de l'ordre respectent le citoyen. Malgré ce vœu, l'U.N.C. s'en tient à ses anciennes méthodes. Les trois principaux tortionnaires du pays, Fochivé, Mbida Dieudonné et M'boué M'boué Edouard, tous commissaires de la police politique à Yaoundé et à Douala, continuent de perquisitionner sans inquiétude les domiciles de paisibles citoyens dans l'espoir de dénicher des « subversifs » et ce, bien que de nombreuses plaintes déposées chez les procureurs de Yaoundé et Douala aient poussé les gouverneurs de ces deux villes à demander en vain des explications à ces puissants policiers. Les arrestations de « subversifs » s'intensifient; les principaux visés sont ceux qui lisent les journaux censurés, les upécistes (bien que M. Biya ait autorisé le retour au pays d'exilés upécistes), les Témoins de Jehovah, anti-communistes pourtant, et tous ceux qui tiennent des propos « subversifs ». Plus jeune que les deux autres, le commissaire Mbida Dieudonné est aussi le plus brutal. Il n'hésite pas durant ses perquisitions et ses interrogatoires à rouer de coups ses victimes lorsque ces dernières se montrent récalcitrantes. A qui veut l'entendre, il répète que tant qu'il est vivant, les upécistes peuvent faire deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun. Inculte, comme d'ailleurs ses deux autres compères, on comprend que Mbida ignore à ce point les lois de l'Histoire. Foncièrement anticommunistes, nos trois commissaires se sont fait une triste réputation par l'habitude qu'ils ont de liquider eux-mêmes, de nuit, les opposants politiques qui refusent de renoncer à la lutte révolutionnaire ».
Ongola, le 19 août 1983
Un Patriote africain

Source : Peuples noirs/peuples africains n°36, novembre-décembre 1983

Derick Musing sort un feuilleton

« Nexus », c’est le titre du feuilleton que le cinéaste Derick Musing a présenté au public hier à Yaoundé. Du genre policier, le feuilleton tourné en anglais à Bamenda et à Yaoundé, s’ouvre sur l’assassinat d’un avocat et se termine par l’arrestation d’un policier, auteur du crime. Mais avant, il ballade les deux enquêteurs chargés du dossier dans des fausses pistes où ils rencontrent trahisons et crimes de toutes sortes. Le scénario de « Nexus » se divise en 52 épisodes de 26 minutes. Mais pour le moment, explique Derick Musing, seuls 34 épisodes ont été réalises, pour un coût total estimé à 15 millions. Tenning nova, la maison de production du film, espère le vendre auprès d’une télévision pour avoir de l’argent frais pour la suite. Derick Musing explique : « j’ai voulu faire un film que les gens peuvent regarder sans rien débourser, car nous manquons de financement et de public aussi ».

mercredi 29 septembre 2010

Danse contemporaine : Péril sur le festival Corps é gestes


A trois semaines de l’évènement, sa promotrice, Annie Tchawack, affirme que rien n’est prêt faute d’argent.



Annie Tchawack, la promotrice des rencontres chorégraphiques Corps é gestes, a organisé une conférence de presse le 28 septembre 2010 à la fondation Muna à Yaoundé, pour pousser un cri d’alarme : à trois semaines du festival, rien n’est prêt, faute d’argent liquide. Ce cri du cœur s’adresse aux partenaires de l’évènement : le ministère de la Culture, l’Organisation internationale de la Francophonie et les services de coopération de l’ambassade de France au Cameroun, entre autres. Le but étant que les participations financières promises soient débloquées.
La 3ème édition de Corps é gestes est prévue du 21 au 28 octobre prochains à Yaoundé, sur le thème: « Danse : symbole de rapprochement des peuples ». Mais Annie Tchawack laisse entendre que cette date pourrait être repoussée. D’ores et déjà, 11 compagnies et danseurs de plusieurs pays sont annoncés : Centrafrique, Haïti, République démocratique du Congo, Rwanda, Israël, Gabon, Cameroun. Au programme, des représentations de danse en compétition au Centre culturel français, des spectacles d’animation à l’Institut Goethe, des spectacles hors site à la prison centrale de Yaoundé. Annoncés aussi des ateliers de scénographie, de danse et de chorégraphie et des débats sur les défis de la promotion de la danse contemporaine en Afrique.
Cette année, six prix seront décernés. Annie Tchawack craint que, contrairement aux années précédentes, les primes financières ne soient pas décernées aux lauréats. Malgré cela, elle ne désespère pas. « Ensemble, nous allons frayer un chemin pour que la danse contemporaine vive au Cameroun ».
Créé en 2007 par l’association Réseau Af-art culture, le festival Corps é gestes, d’abord biannuel, va désormais se tenir chaque année.

Stéphanie Dongmo

mardi 28 septembre 2010

Canal 2’Or 2009 : 6 artistes réclament 9 millions Fcfa au ministère de la Culture


Longuè Longuè et Prince Afo Akom menacent de porter plainte pour non paiement des primes promises.



Prince Yerima Afo Akom n’est pas passé par quatre chemins pour dire sa colère à la presse. Je porte plainte contre le ministère de la Culture (Mincult) si, d’ici la fin du mois, je n’ai pas cet argent, a-t-il menacé. L’argent dont il parle, c’est la somme d’un million de Fcfa que le Mincult, partenaire des Canal 2’Or 2009, lui avait décernée en sa qualité de lauréat de la catégorie musique traditionnelle, lors de la soirée de remise des prix le 9 avril 2010 à Douala. Le 21 août 2010, au cours de l’émission « Planètes Stars » diffusée sur la Crtv, Longuè Longuè avait déclaré avoir engagé un avocat pour réclamer son dû, soit deux millions de Fcfa promis à l’artiste masculin de l’année.
Ils sont six artistes au total, qui réclament la somme de neuf millions de Fcfa au Mincult, au titre des Canal 2’Or 2009 : Tsimi Toro, meilleures ventes de l’année 2009, Hugo Nyamè, révélation musicale 2009, Major Asse, humoriste de l’année et Lady B, meilleur vidéogramme. Le 9 avril, devant l’assistance et les caméras, l’impresario de la soirée avait, à chaque fois qu’un des cinq artistes était primé, affirmé qu’il recevrait une somme allant d’un à deux millions de Fcfa, offerte par le Mincult. Chacun d’eux avait reçu une enveloppe qui ne contenait ni argent ni chèque, mais une lettre d’engagement signée d’Ama Tutu Muna, qui ne précisait cependant pas les modalités de paiement.
Joint au téléphone hier, Afo Akom explique que le soir de la remise des prix, il s’est rapproché des organisateurs des Canal 2’Or qui lui ont conseillé de s’adresser plutôt au représentant d’Ama Tutu Muna présent dans la salle. Joseph Lobé, inspecteur n°1 au Mincult, lui a répondu que son lot lui sera remis à Yaoundé. « Une fois à Yaoundé, il m’a expliqué que le ministère de la Culture attend encore que Canal 2’Or lui fournisse les justificatifs des décharges des artistes pour le compte de l’édition 2008», raconte Afo Akom. « Si le Mincult à un problème de justificatifs avec Canal 2’or, on ne va pas nous pénaliser pour cela», s’indigne-t-il.
Pour sa part, Longuè Longuè a soutenu que "la ministre de la culture, Madame Ama Tutu Muna, m'a dit qu'elle n'avait rien à traiter avec moi, qu'elle traite avec Canal 2 international". D’après nos informations, Joseph Lobé a expliqué aux artistes inquiets que les prix octroyés par le Mincult devront être payés dans le cadre du Compte d’affectation spéciale. Il a accusé des lenteurs administratives, tout en les exhortant à la patience. Mais Afo Akom dit avoir soupé de ce discours et veut agir. C’est pourquoi il a engagé un avocat et se tient prêt à traîner le Mincult en justice.
Approché par le Jour, Joseph Lobé n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire et a renvoyé le reporter vers le ministre de la Culture.
Stéphanie Dongmo

dimanche 26 septembre 2010

Manuels scolaires : le Ceper ouvre une nouvelle page


Le Centre d’édition et de production pour l’enseignement et la recherche cherche de l’argent frais pour relancer ses activités et reconquérir le marché.




On croyait le Centre d’édition et de production pour l’enseignement et la recherche (Ceper) mort et enterré. Après plusieurs années d’hibernation, l’entreprise renaît de ses cendres et affiche de nouvelles ambitions. Le 16 septembre 2010, elle a tenu sa troisième assemblée générale à son siège à Yaoundé. La veille, son conseil d’administration avait à l’ordre du jour la restructuration et la recapitalisation du Ceper, de même que la mise en place d’un nouvel organigramme et la revalorisation du capital qui devra passer à 1,7 milliards de Fcfa. Aujourd’hui, la société cherche des liquidités pour relancer ses activités et remplir son objectif de départ qui est de produire des manuels scolaires à bas prix pour le plus grand nombre.
Depuis l’année scolaire 2009-2010 en effet, ses livres sont à nouveau inscrits au programme au Cameroun. Cette année, le Ceper compte cinq ouvrages, notamment à la maternelle et à la première année du primaire, (Sil). Ce sont des livres de mathématiques, de graphisme et de coloriage, tous de la collection Etoile. Si le livre scolaire est son principal cheval de bataille, le Ceper s’est aussi ouvert à d’autres marchés : l’édition des ouvrages et l’impression des bulletins de notes. D’après Marie Christine Etoundi, coordonnatrice générale, « le Ceper a une capacité de production d’environ 8 000 livres par semaine ». L’année dernière, la société n’a produit que 120 000 livres vendus au prix de gros à 700Fcfa l’unité. « Je crois que le Ceper peut décoller parce que je crois aux Camerounais. Notre objectif ? Que chaque Camerounais, riche ou pauvre, puisse avoir un livre. On ne peut pas parler de la gratuité de l’école si on paie les livres chers », poursuit Marie Christine Etoundi.

De la Francophonie à l’Etat du Cameroun
La restructuration du Ceper, d’après Charles Etoundi, son président du conseil d’administration, devra passer par une recapitalisation qui aura pour avantage d’apporter de l’argent frais dans la maison. Le Ceper entend ainsi retrouver ses lettres de noblesse, de la belle époque où il avait le monopole de la production du manuel scolaire primaire au Cameroun. C’était à la fin des années 90, lorsque la Mutuelle des personnels enseignants du Cameroun (Mupec) reprend l’entreprise mise en privatisation par l’Etat, dans le cadre des Plans d’ajustements structurels. Les bailleurs de fonds ayant estimé que le Ceper, créé en 1974 par l’Unesco au bénéfice du Cameroun, n’est pas rentable. Charles Etoundi se souvient qu’en ce temps là, le Ceper avait près de 7% du marché du manuel scolaire au Cameroun. Aujourd’hui, s’il est difficile de mesurer cette part, il n’en demeure pas moins que le Ceper a été relégué à la maternelle. L’argent frais, le Ceper en espère de ses 44 actionnaires mais surtout de l’Etat qui reprend les 5000 actions cédés par l’Organisation internationale de la Francophonie, soit 11% des parts. Amadou Waziri, représentant de la Francophonie au sein du conseil d’administration du Ceper, explique que « l’objectif pour lequel nous avons décidé d’accompagner le Cameroun est atteint ». La Francophonie est rentrée dans le capital du Ceper en 1997, au moment de sa privatisation. « Non pas pour faire des bénéfices, mais pour contribuer au lancement de cette société», indique-t-il.

Les années de vache maigre
Le Ceper affiche donc de nouvelles ambitions mais reste hanté par son passé récent. Sa descente aux enfers commence en 2000, lorsque l’Etat consacre la libéralisation du livre scolaire. L’entreprise va à veau l’eau, la gestion de Joseph Bayiha, à l’époque directeur général, est décriée. En 2003, un conseil d’administration finira par le déposer. Charles Etoundi, ancien ministre de l’Education nationale, est placé à la tête du Ceper. Malgré cela, la mayonnaise tarde à prendre. Le Ceper qui ne reçoit pas de subvention de l’Etat s’endette pour se maintenir péniblement à flot ; ses ouvrages ne sont plus inscrits au programme alors que les éditeurs étrangers y ont la part belle.
En 2009, le Ceper rentre de nouveau dans le programme scolaire par la maternelle. Ce qui lui permet d’envisager des jours meilleurs. A cet effet, Charles Etoundi se réjouit de l’entrée de l’Etat dans le capital de la société : « l’Etat redevient un des propriétaires du Ceper. Il peut donc intervenir suivant les besoins, ce qui nous laisse entrevoir la perspective de pouvoir résoudre nos problèmes de trésorerie ».
Stéphanie Dongmo

mercredi 22 septembre 2010

Musique : Les Takam II signent leur retour



Parcours du groupe créé en 1985 au Cameroun par Jean et Michel Takam.
Le groupe Takam II a donné un concert samedi, 11 septembre 2010 au Centre culturel français de Yaoundé. La date de ce concert n’a pas été choisie au hasard. Elle marque le neuvième anniversaire des attentats du World trade center à New York aux Etats-Unis. A cette occasion, les Takam II ont présenté leur nouveau single, « Hommage aux victimes des attentats du 11 septembre 2001 ». Ce spectacle scelle le retour sur la scène musicale du mythique groupe de musique patrimoniale. En 25 ans de carrière, Takam II a connu bien des revers. Il a survécu au décès de son leader, Jean Takam, et continue de tenir la musique par le bon bout.
En 1985, Jean et Michel Takam, férus de musique, décident de créer un groupe. Jean et Michel Takam sont cousins, mais ils s’entendent comme des frères et le laissent d’ailleurs croire aux autres. De leur grand-père, ils ont hérité leur patronyme. Mais pas seulement. Leur passion pour l’art également, car le papy était tailleur de dents et tatoueur, là-bas à Bamendjou, à l’Ouest-Cameroun.
Le groupe opte pour la musique patrimoniale et joue divers rythmes qu’il désigne sous le nom lossi (lève-toi). Parmi ces rythmes, le mahop, le kegna, le lali, le pomadjong, le samali et le kouodjang. Il réalise aussi ses propres chorégraphies et d’adopte des tenues confectionnées avec du ndop, un tissu emblématique des Grassfields. « Nous avons voulu préserver notre patrimoine. J’ai espoir que demain, ce rythme va prendre son envol », espère Michel Takam.
Cette année-là, en 1985, les deux frères donnent leur premier spectacle au Centre culturel français de Yaoundé. Face au succès de ce spectacle, le groupe commence à chercher un producteur. En 1989, leur premier album sort sur supports cassettes chez Akam’s production, en France. L’album « Kouang » (la bague) est un succès au Cameroun. Il est porté par le titre éponyme. Et dans les rues, on entend des gens psalmodier le refrain « wawa houwa, wawa houwa ha ! ». La chanson raconte l’histoire d’un homme paresseux qui demande une bague dans le « famla » pour avoir de l’argent, sans avoir travaillé. Il devient fou par la suite, et regrette son acte. Le succès de cet album ne profite pourtant pas au groupe. Michel Takam explique que des 7 000 cassettes produites, 6 000 exemplaires ont été déposés chez un distributeur au marché Mokolo à Yaoundé. Quelques jours après, le marché a brûlé, les cassettes avec. En 2000, Takam II revient sur la scène avec un second album, « Gné ché gné » (connaître son prochain).

Le décès de Jean Takam

Le 30 juin 2002, Jean Takam décède à Yaoundé. Six ans après, la blessure n’a pas cicatricé dans le cœur de Michel. Il en parle avec une voix rauque, les yeux rougis : «Le décès de mon frère a été très difficile à accepter. Je ne voulais plus faire de la musique ». Il aura fallu l’intervention de plusieurs personnes pour le décider du contraire. Patiemment, obstinément, Michel Takam, devenu bien malgré lui le leader du groupe, essaie de le reconstituer. Un chanteur, lui-même, trois choristes et des musiciens. En 2004, le groupe sort son troisième album, « Mumé ngné » (le frère d’autrui). C’est un hommage à Jean Takam, pour que son souvenir vive à jamais.
En 2010, les Takam II composent une chanson en hommage aux victimes des attentats du 11 septembre. Michel Takam explique : « Ces attentats, je les ai regardés à la télé, c’était horrible. Je m’imaginais à la place de ces gens qui mouraient sous les décombres. Et je dis : il faut qu’on arrête la fabrication des armes qui détruisent tant de vies innocentes », s’indigne le chanteur. Le single n’est pas encore sorti sur un support, faute de financement. Takam II cherche d’ailleurs un producteur, pour la sortie d’un 4ème album : « Plusieurs producteurs nous ont demandé de diversifier notre rythme, pour des raisons commerciales, mais nous avons toujours refusé. Nous voulons faire un travail qui porte. Aussi, cherchons-nous un mécène qui aime la culture pour la culture», affirme-t-il.
Stéphanie Dongmo

Arts plastiques : Travaillez, prenez de la peine


Kristine Tsala, Samuel Dalle et Aza Mansongi, trois artistes issus de l’Académie des beaux arts de Kinshasa, exposent « From village to town », un hymne au travail, jusqu’au 26 septembre au Ccf de Yaoundé.
Ils sont trois, ils sont passionnés d’art plastique et ils ont été formés à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Depuis le 1er septembre 2010, les Camerounais Samuel Dalle, Kristine Tsala, et la Congolaise Aza Manzogi, membres du collectif 3Kokoricos, exposent leurs œuvres au Centre culturel français de Yaoundé, sous le titre « From village to town ».
Ce sont des peintures mixtes remplies de couleurs qui renvoient le message selon lequel « La vie est un combat». C’est notamment le cas du tableau « Au front » de Samuel Dalle. L’artiste y représente un « débrouillard » qui, ahanant sous le poids de son pousse-pousse, traverse une ville qui l’écrase. A coup de pinceaux, il immortalise l’ambiance infernale des villes africaines peuplées d’hommes angoissés qui, tous les jours, doivent transpirer sueur et sang pour gagner leur pain.
Kristine Tsala, elle, a un faible pour la mode telle qu’elle se donne à voir dans nos rues. Ses modèles filiformes sont frappés de gigantisme, avec des têtes qui épousent différentes formes géométriques. Ses mannequins sur toile arborent les unes des tenues traditionnelles, les autres des tenues modernes : pagne, pantalon, jupe, jacket, robes plus ou moins extravagantes, tout y passe. Ici et là, Kristine Tsala fait des collages de coupures de presse pour, comme les journaux, raconter le monde. L’habillement est en effet révélateur du temps qu’il fait, et même de la personnalité d’un individu.
Pour sa part, Aza Mansongi met l’accent sur les visages. Elle fait ainsi ressortir toute une palette d’expressions plus ou moins figées. La toile « Pelisa Ngwasuma » raconte la souffrance des femmes congolaises durant la guerre. Aza Mansongi est de ces femmes, et elle a su se fortifier dans l’épreuve. Pour exprimer cette « Renaissance », elle a réalisé deux têtes d’hommes noirs et blancs qui sortent des tableaux. Aza Mansongi situe ainsi « l’être humain au centre de tout, il a la clé de son destin en main ». Elle en veut pour preuve son expérience personnelle.
En 2005, les trois plasticiens ont fondé le collectif 3Kokoricos, dans le but de sensibiliser le public aux arts visuels et plastiques et aussi à la protection de l’environnement. L’exposition « From village to town », au demeurant un hymne au travail, est en cours jusqu’au 26 septembre au Ccf de Yaoundé.
Stéphanie Dongmo


Portraits

Aza Mansongi
L’abstrait et le figuratif

Congolaise d’origine, Aza Mansongi vit et travaille aujourd’hui à Douala, après s’être formée à l’Académie des beaux arts de Kinshasa. Son travail oscille entre l’abstrait et le figuratif, sculpture et peinture, quand il ne combine pas les deux (voir tableau Renaissance). Aza Mansongi s’est aussi ouverte à l’installation et à la vidéo. « Les lignes font vibrer mon travail et lui donnent une force particulière », écrit l’artiste de 30 ans sur son site internet.

Kristine Tsala
La rue et ses couleurs
A 31 ans, elle n’en finit pas de rouler sa bosse. Formée à l’Institut de formation artistique de Mbalmayo au Cameroun, Kristine Tsala est retenue pour représenter le Cameroun aux Jeux de la Francophonie. Commence pour elle une tournée africaine qui la conduit en Rdc, entre autres pays. Là, elle rencontre de grands noms de la peinture africaine comme Lema Kusa et Chéri Samba. Elle s’inscrit aussi à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa. Kristine Tsala puise son inspiration dans la rue, le cœur de la vie.

Samuel Dalle
L’homme et le quotidien

Samuel Dalle n’est pas seulement plasticien, il est aussi designer pour des sites internet. Très tôt, il se découvre une passion pour le dessin, qui le conduit à l’Institut de formation artistique de Mbalmayo. Après quelques années passées à l’université de Yaoundé I, filière arts plastiques et histoire de l’art, Samuel Dalle va poursuivre sa formation à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa. Pour lui, « l’art est l’expression du vécu quotidien ». Son travail interroge l’avenir de l’homme angoissé qui, mécaniquement, cherche son quotidien.
S.D.